Des écrans et des chiffres [1]
L’équipement
Les foyers français avec enfants possèdent en moyenne
9,8 écrans
73 %
des enfants ont au moins un écran personnel
(Source Ipsos-Kids & Screens).
Temps passé devant un écran
5 h 07
par jour pour les adultes
4 h 11
pour les enfants
(Source Santé publique France 2017).
Temps passé sur les réseaux sociaux par les 14-24 ans
25 %
y passent moins d’une heure par jour.
30 %
y consacrent 1 à 2 heures.
22 %
y consacrent 2 à 5 heures.
10 %
y consacrent 5 à 8 heures
6 %
plus de 8 heures
(Source Ipsos-Junior Connect’ 2017).
> Pourquoi est-on autant attiré par les écrans ?
Des sociétés qui vont à la conquête de notre temps.
Christophe André, psychiatre, nous met en garde dans l’émission de Radio de France Inter Bien vivre ensemble, le samedi 29 juin 2019 : « […] Pour les gens qui fabriquent les écrans, leur intérêt est que nous y passions le plus de temps possible. Les gens qui vendent les contenus pour les écrans ont le même intérêt. Ils vont donc chercher à parasiter et à pirater la manière dont notre attention fonctionne. Nous devenons « accros » aux écrans, car ils nous proposent sans arrêt des choses changeantes. C’est beaucoup plus facile de laisser notre attention se laisser porter par des cibles en mouvement, des choses qui remuent, que sur des choses immobiles. C’est plus simple. Il y a donc un véritable piratage de nos cerveaux par toutes les personnes qui font ce qu’on appelle du « neuro marketing », qui savent comment fonctionne notre attention, comment la capter, comment nous rendre « accro » assez rapidement et assez facilement.»
Le sociologue Rémy Oudghiri ajoute « […] Les modèles économiques des grosses sociétés qui font internet (Google-YouTube-Facebook-Netflix…) sont fondées sur la conquête de notre temps, ce qu’on appelé à une époque « le temps de cerveau disponible ». Il y a deux enjeux pour eux : 1. Qu’on reste le plus longtemps avec eux parce que ça permet ensuite de monétiser notre présence. 2. La chose nouvelle est qu’ils recueillent des choses sur nous tellement spécifiques, qu’ils peuvent faire des ciblages très précis donc vendre ce temps de cerveau disponible plus cher à d’autres sociétés.
Deux exemples : Vous regardez une vidéo sur YouTube, vous n’avez pas terminé de la regarder que vous avez déjà une seconde vidéo qui vous est annoncée, scénarisée, elle vous incite à rester. Autre exemple : Facebook connait tout de vous et vous propose en permanence du contenu susceptible de vous intéresser pour que vous restiez avec Facebook ».
Et à Christophe André de préciser ce qu’il se produit dans notre cerveau : « Il y a deux circuits des choses agréables. Il y a un circuit qui est très rapidement activé par des récompenses d’accès faciles qui ne demandent ni temps, ni effort donc ça nous donne des petits shoots de dopamine, neuro transmetteur qui provoque du plaisir. La dopamine a deux inconvénients ; le premier est qu’elle a un effet qui s’épuise très vite donc on en redemande, le second étant que la dopamine détourne à son profit un certain nombre de substances, d’acides aminés, dont a besoin un autre neuro transmetteur qui est la sérotonine qui elle met beaucoup plus de temps à être élaborée, à faire effet, et qui elle est associée aux états de bonheur ».
> Les raisons pour restreindre l’usage des écrans [2]
Impact sur le comportement en famille, en société
Les enfants sont plus désagréables et grognons lorsqu’ils passent du temps devant les écrans. Le fait de rester immobile, sans bouger parfois pendant des heures rend les enfants très irritables. De plus, la frustration de devoir passer à autre chose peut les mettre dans une grande colère. Sans oublier le fait que pendant ce temps ne se créé aucun lien social, aucun échange verbal ou alors centré sur ce qui se passe sur l’écran.
Impact sur les résultats scolaires
Un sondage réalisé sur 3 ans auprès de 46000 familles américaines ayant des enfants âgés de 5 à 17 ans, a montré que les résultats scolaires commençaient à baisser à partir de 30 minutes d’écran par jour et chutaient significativement au-delà de 2 heures d’exposition.
Impact sur le sommeil
La lumière bleue des écrans peut nuire au sommeil. Regarder un écran le soir modifie la production de mélatonine qui est l’hormone nécessaire au sommeil.
Impact sur le bien être moral et physique
Au-delà de 2 heures d’exposition quotidienne aux écrans dans l’enfance, chaque heure passée en plus devant les écrans augmente les risques d’obésité à l’âge de 10 ans. Les enfants en pleine croissance ont besoin de bouger, d’avoir des activités physiques.
Impact sur la sécurité
Plus l’enfant passe de temps sur Internet et plus il risque de tomber sur des contenus inappropriés ou sur des « amis » non souhaitables. Limiter le temps passé sur des écrans oblige l’enfant à en profiter pour faire ce qu’il a vraiment envie de faire et permet d’éviter qu’il ne « traîne » sur des sites ou réseaux sociaux comme on « zone » dans la rue. Et ainsi, on évite aux enfants de tomber sur des images violentes ou pornographiques qui seraient alors traumatiques et créeraient une banalisation de la violence.
> Les motifs pour laisser les enfants utiliser les écrans
Pour qu’ils s’amusent
Les écrans sont ludiques au même titre que d’autres activités. Il n’est pas nécessaire de chercher des apprentissages et de favoriser le « ludo créatif » dans toutes les activités de l’enfant. Le simple fait de jouer et de s’amuser est important en soi.
Pour leur donner accès à une source très riche d’information
Internet est une source importante d’informations qu’ils leur faut apprendre à utiliser. Ils doivent apprendre à trier les informations, les sélectionner, les vérifier, éviter les pièges des publicités dont regorge Internet. Pour les plus grands, c’est aussi la possibilité d’aller chercher des horaires de bus, de regarder les horaires du cinéma ou les horaires d’ouverture de la bibliothèque.
Pour développer les centres d’intérêts communs avec leurs amis
Le succès de certains jeux vidéo, de séries ou des YouTubeurs à succès construit une culture commune aux jeunes.
Pour s’amuser et communiquer en famille
Discuter avec les grands-parents qui vivent de l’autre côté de la France ou à l’étranger, regarder un film de Charlie Chaplin et en discuter avec ses parents… les écrans sont aussi une base d’échange et de transmission !
Pour apprendre
Certains jeux ludo-éducatifs permettent de travailler la lecture, l’orthographe, les mathématiques… Des spécialistes, comme Stanislas Dehaene psychologue cognitif et neuroscientifique au Collège de France, semblent s’accorder pour dire que les jeux vidéo permettraient aux enfants de développer leur rapidité de réactions ainsi que leur intelligence intuitive (faire des hypothèses, tester, modifier…).
> Le positionnement de l’adulte
La règle du 3-6-9-12 de Serge Tisseron, psychiatre [3]
Avant 3 ans, l’enfant a besoin de se construire des repères spatiaux temporels, il a besoin d’interagir avec son environnement d’une façon qui implique tous ses sens : jouez avec lui, parlez, arrêtez la télévision.
• Utilisez la tablette toujours de manière accompagnée sur une période courte dans le seul but de jouer (mimer, chanter…)
De 3 à 6 ans, l’enfant a besoin de découvrir ses dons sensoriels et manuels, c’est le moment où il doit apprendre à jouer par lui-même, à se raconter des histoires, ce qu’il ne fait pas devant les écrans : limitez les écrans.
• Après utilisation d’un écran ou visionnage d’un dessin animé, parlez-en avec eux.
De 6 à 9 ans, l’enfant a soif de découverte et besoin d’expérimenter les règles du jeu social.
• Privilégiez les activités créatives en utilisant des logiciels de retouche photos ou encore les logiciels permettant de créer des clips ou de courts dessins animés.
De 9 à 12 ans, l’enfant a besoin d’explorer la complexité du monde.
• Apprenez-lui à se protéger et à protéger ses échanges, expliquer lui ce qu’est Internet, le mécanisme des réseaux sociaux etc.
Après 12 ans, l’enfant commence à s’affranchir des règles.
Restez présents et vigilants pour répondre aux interrogations, alerter sur les risques, partager sur les jeux vidéo, les différentes applications que l’enfant utilise. Intéressez-vous à son utilisation des écrans etc.
> Des idées de bonnes pratiques
Évidemment, quel que soit leur âge il faut que les enfants voient en vous un modèle. Donc si vous répondez constamment au téléphone quand vous êtes avec eux, si vous ne lâchez pas les réseaux sociaux et si vous ne leur demandez pas leur autorisation avant de les prendre en photo, en somme si votre téléphone portable est votre doudou, toutes ces recommandations ne seront pas prises au sérieux par les enfants et les jeunes. Vous êtes leur premier exemple !
>> Utiliser le moteur de recherche : QwantJunior. Il filtre les contenus et ne trace pas les recherches faites sur internet.
À mettre comme moteur de recherche pas défaut, ainsi les enfants peuvent surfer en toute sécurité.
>> Bayam est une plateforme qui permet aux enfants de se divertir en toute sécurité, sans matraquage publicitaire et qui évolue en fonction de leur âge. L’adulte peut même y enregistrer une durée de connexion maximale. L’application coûte 4,99 € par mois.
>> L’application Super-Julie et ou le site super-julie.fr vous accompagne pour sélectionner des applications dédiées aux enfants et pédagogiquement adaptées. Grâce à des critères de recherches, des sélections par âge, l’application et le site vous permettent de vous y retrouver dans cette jungle des jeux et sites pour enfants.
>> Vous ne comprenez pas grand-chose aux réseaux sociaux ou vous voulez aiguiser vos connaissances ? Rendez-vous sur https://www.fritic.ch/fr/reseaux-sociaux
Marie-Julie Subervie est chargée de la pédagogie et des revues enfants à la Fédération nationale de l’Action Catholique des Enfants depuis février 2016.
Perlin, fripounet, triolo en ACE puis adolescente militante à la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, son parcours en action catholique l’emmène à s’engager dans des études universitaires dans le secteur du social et du socio-culturel. En Gironde, son département d’origine, elle fût, pendant 10 ans, animatrice-médiatrice dans une association œuvrant dans différents quartiers populaires puis coordinatrice d’un pôle jeune-adulte et famille dans un centre social. Appelée par le diocèse de Bordeaux pour une mission de Laïc en Mission Ecclésiale au service de l’ACE et de la Mission Ouvrière de gironde, elle y redécouvre le mouvement.
Aujourd’hui, elle porte une attention toute particulière à l’épanouissement personnel, collectif et spirituel des enfants ainsi qu’à leur participation et la prise en compte de leur parole dans la société.
[1] Les nouvelles technologies déstabilisent la famille, Article de Paula Pinto Gomes dans le journal La Croix paru le 20.11.2018
[2] Débranchez vos enfants, Anne Peymirat, Éd. First, 2017, P. 61 à 66
[3] Débranchez vos enfants, Anne Peymirat,
Éd. First, 2017, P. 83
Parents dans un monde d’écrans,
Cataline Briceno et Marie-Claude Ducas, Les éditions de l’Homme, 2019, P. 75 à
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