Bulles de vie des 6-15 ans

L’an dernier, les enfants rejoints par l’ACE à travers la France ont été invités à participer avec leurs copains ou leurs proches à une grande consultation en ligne et en présentiel là où cela a été possible : le grand débat des 6-15 ans. À l’issue de ce processus a été votée la nouvelle résolution du mouvement : « Explorons les beautés du monde ». Cette résolution est le fil rouge de la réflexion et des initiatives des enfants pour la période de septembre 2021 à août 2023 :

Des paroles et des expressions collectées, nous en avons fait la relecture entre adultes du mouvement, en accueillant avec autant de délicatesse que possible ce qu’ils nous ont confié avec sérieux et sincérité, afin de tirer les enseignements de la sagesse des enfants dans leur attitude face aux signes des temps. Textes aboutis et signés ou notes prises à la volée par les responsables, dessins parfois énigmatiques et listes à la Prévert, des petits villages isolés ou de quartiers populaires des grandes villes, la récolte a été fructueuse. Dans leurs mots et leurs évocations, nous avons ressenti cette infinie présence d’une vie intérieure riche. Nous avons ressenti cette capacité de Dieu déjà en eux que Saint Augustin développe dans ses écrits.

Les enfants conjuguent peines et joies, peurs et Espérance

Fidèles aux quatre valeurs fondamentales du mouvement que sont la joie, la vaillance, la confiance et l’engagement, les enfants ont exprimé leurs joies, leurs peines, leurs espoirs, leurs rêves, leur soif de justice, leur envie de beauté et de plénitude.

Un vif désir de famille

« On nous a donné la vie. C’est tout petit, ça à l’air tout petit et c’est énorme. » : les enfants ressentent ce « vif désir de famille » évoqué dans Amoris Laetitia : « La famille encourage. Elle peut aider quand on a des problèmes. Elle aide à construire sa vie, son avenir. », « La famille nous donne le bonheur. ». Ils connaissent des difficultés en famille, « la jalousie, des disputes et de la contrariété ». Des schémas nouveaux de liens se tissent, avec toutes les difficultés que cela implique parfois : « Maintenant que maman travaille, je la vois moins. En plus, je vis une semaine chez papa et une semaine chez maman. Je sais plus où j’en suis. » (Noémie*, 11ans). Et cependant ils ont aussi le souci d’élargir cette famille définie comme « un ancrage, une stabilité »à toutes celles et ceux qui les aiment et les soutiennent : « Mes amis sont ma famille, ils m’aiment, me soutiennent, m’écoutent, me comprennent, me chérissent ». En résumé, pour Erin, 11 ans, « la famille c’est les personnes qui ont le plus de points communs, on fait plein de bêtises, on a beaucoup de souvenirs, de moments ensemble. ». Avec eux, nous le sentons bien : « La joie de l’amour qui est vécue dans les familles est aussi la joie de l’Église. »

Vulnérabilité et invulnérable espérance

Les enfants comprennent que les parents doivent travailler pour vivre mais ce n’est pas toujours simple. Ils sont quelquefois particulièrement exposés à la précarité dont leurs parents sont victimes : « On risque de ne plus avoir de maison », « Il faut que nos parents travaillent car tout est cher. Parfois le frigo est vide car la paye est pas arrivée. On devrait faire la cantine gratuite car certains ne peuvent pas manger » (Louna, 10 ans). La crise sanitaire a des répercussions concrètes sur leur quotidien : « Les parents sont fatigués et n’ont plus de temps pour nous. Ils s’énervent vite… En plus papa fait du télétravail, alors il joue plus avec nous et faut pas faire de bruit. Il occupe la chambre de ma sœur » (Emilie, 12 ans). 

Dans les contributions des enfants, il est question de violence, de souffrance parfois mais il est aussi question de bienveillance, de gratitude et de pardon, on retrouve dans leurs témoignages les mots de la prière. Il y a en eux une grande espérance qui les porte pour agir et qui n’est pas sans rappeler les mots du pape François : « L’espérance est audace, elle sait regarder au-delà du confort personnel, des petites sécurités et des compensations qui rétrécissent l’horizon, pour s’ouvrir à de grands idéaux qui rendent la vie plus belle et plus digne. » (Fratelli Tutti 55)

Jeunes, apôtres des jeunes

Ainsi, parce que « cultiver la bienveillance n’est pas un détail mineur… » (cf. pape François, Fratelli Tutti) les enfants cultivent la solidarité sous de multiples formes. Ils formulent des souhaits ambitieux pour l’humanité entière et expriment leur attention aux plus fragiles. Ils sont porteurs d’un rêve pour l’humanité. Et c’est en se faisant présents aux plus petits, aux plus fragiles et aux plus isolés mais aussi en prenant soin de la Terre, notre maison commune, que les enfants trouvent leur joie et la transforment en espérance. Ce n’est pas sans évoquer les paroles d’encouragement de Sœur Emmanuelle : « Crois en toi, en cette passion pour un monde où des hommes libres vivraient égaux, en frères. Crois en ton dynamisme, incarne ton idéal à l’endroit même où tu vis, là où tu sens battre ton cœur. Crois dans les autres : le même souffle de justice les fait tressaillir. Ne crains pas de rejoindre leur combat : l’union des jeunes est une puissance formidable. »[1]

L’esprit souffle dans les rencontres des enfants…

Les enfants sont particulièrement lucides sur l’état du monde et pleins de bon sens sur la manière de le changer en profondeur. En commençant par eux-mêmes. Etty Hillesum ne l’avait pas mieux dit : « Je ne vois pas d’autre issue : que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui tout ce qu’il croit devoir anéantir chez les autres. Et soyons bien convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend plus inhospitalier qu’il ne l’est déjà. Je ne crois plus que nous puissions corriger quoi que ce soit dans le monde extérieur que nous n’ayons d’abord corrigé en nous. » Et cependant, leur vie spirituelle ainsi travaillée par ce retour sur eux-mêmes les ouvre aux autres, au monde et parfois à Dieu.

Tension vers l’autre et mouvement d’Alliance

« Car la volonté du Père est qu’en tout homme nous reconnaissions le Christ notre frère et que nous nous aimions chacun pour de bon, en action et en parole, rendant ainsi témoignage à la vérité. »

(Gaudium et Spes)

Les enfants témoignent de la dimension intrinsèquement relationnelle de la vie spirituelle, telle que la décrit Mgr Albert Rouet : « si on envisage le spirituel comme un acte de relation, il se caractérise alors comme une tension vers l’autre et un mouvement d’alliance ». Ce souffle de la rencontre est celui qui tourne les enfants vers les autres, sans distinctions : « Je voudrais aider les blessés de la vie », « Je me sens solidaire des gens qui souffrent », « Je rêve d’un monde de paix, où tout le monde ait à manger et travaille dans de bonnes conditions. »Avec eux, l’Alliance germe au cœur de la fraternité, dans un vivre-ensemble apaisé et respectueux de tous. « Parler de Jésus et de la paix, c’est très important aussi. » nous dit l’un d’eux. Angäle, 6 ans, « aimerait envoyer au monde entier un message d’amour ! »

Dieu se révèle aux tout-petits

Si certains expriment explicitement leur bonheur d’être en communion avec Dieu, d’autres évoquent simplement quelque chose de plus grand qu’eux mais de manière implicite. Ils font l’expérience de la présence de Dieu dans des expériences très concrètes, toutes simples. Ainsi la petite Sarah explique : « Ecouter le son de la pluie ou de la neige, on fait comme de la méditation », d’autres soulignent l’importance de petits riens, source de bonheur, comme « se promener dans la nature », « jouer dans le jardin », « se promener en famille », « faire des randonnées dans la montagne », « se balader en forêt, pique-niquer », « manger les fruits sauvages », « se baigner dans la mer », « aller dans l’eau des ruisseaux », « regarder les animaux domestiques et sauvages », « les poissons avec le masque et le tuba », écouter « le chant des animaux, le bruissement des arbres », « le craquement des feuilles quand on marche dessus », « le bruit de nos chaussures quand on marche dans la neige », « faire des bonhommes de neige plus grands que moi », « regarder les étoiles avec papa, mes frères et mes sœurs ». « Ces moments sont importants pour contempler la nature » résume l’un d’eux.

Rencontrer Dieu dans la contemplation…

Oui, c’est souvent dans la contemplation que les enfants rencontrent Dieu. « Les personnes sont des beautés du monde car c’est Jésus qui nous a créés » affirme le petit Corentin. Dans leur contemplation, les enfants nous apprennent à tirer du sens de l’émerveillement. Ces mille petites choses qui attirent leur attention, ces expériences de la nature quotidiennes les font grandir et les aident à développer une théologie bien à eux dont nous avons beaucoup à recevoir. « Dieu me fait penser au ciel et au soleil. » exprime un petit Perlin. C’est « ce sens plus intuitif et plus global de l’enfant qui pratique l’univers sans formuler explicitement les questions » que décrit Jacques Arènes[2].

* les prénoms ont été changés.

A voir en vidéo 


[1] Sœur Emmanuelle avec Françoise Huart, Yalla : en avant les jeunes ! Calmann-Lévy, 1997.

[2] Psychologue et psychanalyste, enseignant à l’Institut Catholique de Paris et Lille

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