Parmi les anciens Cœurs vaillants et anciennes Âmes vaillantes, certains sont devenus prêtres ou religieuses.
Parmi eux, François Maupu qui fut Cœur Vaillant à la fin des années 1940 dans le Loiret, est même devenu évêque.
Quand avez-vous été Cœur vaillant ?
Mgr François Maupu : « C’était entre 1948 et 1950. Le mouvement Coeurs vaillants était un des ingrédients de la vie paroissiale. A Neuville-aux-Bois, chef-lieu de canton du Loiret, il y avait un vieux curé et un tout jeune vicaire. Ce dernier proposait aux enfants de nombreux rendez-vous : patronage du jeudi et du dimanche après-midi, colonies de vacances. Sans compter ce qu’on appelle aujourd’hui les servants d’autel.
Quel cadre, offert aux garçons de 10 ans, l’âge du cours moyen où, précisément, on s’intéresse à beaucoup de choses, et où on en enregistre aussi beaucoup.
Nous lisions la presse du mouvement : Fripounet et Marisette, puis Coeurs Vaillants.
Je me rappelle avoir été chef d’équipe. Au patro comme en colo, nous avions un cri d’équipe. Celui auquel je restais fidèle, c’était : « Saint Christophe, porte-Christ » ; et les équipiers répondaient : « Partout ».
A 11 ans, pour entrer en 5e, j’ai dû devenir interne ; rupture, je ne revenais à Neuville que tous les quinze jours : c’est surtout pendant les vacances d’été que je retrouvais les Cœurs vaillants, en colonie, où la pédagogie mise en œuvre était aussi celle des CV. »
Quels souvenirs avez-vous de ces trois années de CV à Neuville-aux-Bois ?
Mgr F.-M. : « Je me rappelle la prière que nous chantions, qui nous accompagnait aussi bien au patronage que durant les colonies de vacances. Cette prière nous proposait un véritable canevas de vie et d’engagement personnel.
Je ne l’ai pas oubliée et il m’ arrive encore de la fredonner.
Seigneur Jésus, qui aimez tant les Cœurs Vaillants,
Bénissez mes frères, les petits gars de France, Et tous les autres du monde entier.
Ayez pitié de ceux qui ne vous connaissent pas
Ou qui ne veulent pas vous connaître…
Donnez-moi la grâce d’avoir toujours le sourire
Et de n’avoir jamais peur de faire un sacrifice.
Apprenez-moi à faire de ma vie
Quelque chose de beau et faites-moi l’honneur
De vous aider à sauver le monde.
Sainte Vierge Marie, Douce maman des Cœurs Vaillants,
gardez toujours Mon Cœur bien pur et fidèle à Jésus.
Amen.
Il y avait également l’hymne des CV que nous chantions,
« Ohé, les gars, chantons en chœur, c’est nous les petits gars de France » …
J’ai évoqué l’abbé, jeune prêtre. Pour nous accompagner, il avait une collaboratrice, Georgette M..
Elle devait avoir 55 ou 60 ans. Elle était employée chez la modiste du bourg. Sa porte nous était toujours ouverte.
Dans les temps de préparation pour les croix bleue et verte, c’est elle qui nous préparait pour que nous l’obtenions. Cette personne était disponible pour nous à tout moment. »
➤ La croix bleue, une première étape dans le parcours du cœur vaillant.
Votre lien au mouvement CV-AV a-t-il eu un impact sur votre vocation de prêtre ?
Mgr F.-M. : « La première fois que j’ai envisagé de devenir prêtre, c’était à 10 ou 11 ans… à l’époque où j’étais Cœur vaillant. Je dirais que ma vocation a germé dans la vie paroissiale. Il y avait la dimension loisirs mais pas seulement, avec le mouvement CV-AV (nous portions le foulard et l’insigne sur notre béret). Le fait d’être servant de messe a aussi joué.
La paroisse nous offrait le modèle d’un prêtre jeune qui, à 25-27 ans, commençait chez nous son ministère : un homme jeune, dynamique, c’est un modèle, qu’on en soit conscient ou non. Au-delà de la personne, il y avait la dynamique du mouvement lui-même qui proposait un chemin de progression. J’ai évoqué la croix bleue et la croix verte, étapes de développement humain et spirituel. Pour obtenir ces croix, il fallait passer quelques épreuves après un temps de préparation : connaissances pratiques et connaissances dans le domaine religieux.
Il y avait aussi la croix de vermeil. C’était lorsqu’on était plus âgé ; je ne l’ai pas obtenue à l’époque. Elle m’a été remise de manière inattendue en 2011, à Quiberon, par le président de l’ACE en présence de l’aumônier national, au moment où j’ai quitté la responsabilité d’évêque accompagnateur de l’ACE. »
Avez-vous le souvenir d’avoir vécu une certaine liberté aux Cœurs vaillants ?
Mgr F.-M. : « Pour nous à l’époque, la vraie vie était là plus qu’avec la famille ou plutôt en complément de la famille. Exemple de liberté, le bureau de l’Abbé était toujours accessible, même en son absence… il nous est même arrivé d’y faire des bêtises. Le patronage c’était la liberté dans la campagne ou dans les bois. La pédagogie active fonctionnait bien pendant les colonies de vacances. Dès l’âge de treize ou quatorze ans, des responsabilités nous étaient confiées auprès des plus jeunes. Nous pouvions donner notre avis, avoir des initiatives. J’ai le souvenir de quelque chose de très libre même s’il fallait bien parfois se mettre en rang pour certains déplacements. Et les journaux du mouvement étaient pleins de suggestions pour des initiatives de toutes sortes ! »
Quels ont été vos liens par la suite avec les CVAV puis l’ACE ?
Mgr F.-M. : « Etant chargé de formation dans le diocèse d’Orléans, j’ai été invité à des rassemblements de responsables et ai animé des relectures. Surtout, quand je suis devenu évêque, et, de 2005 à 2011, président du Conseil pour les Mouvements et Associations de fidèles, j’ai été amené à reprendre contact avec l’ACE.
En 2010, nous avons fait une visite ad limina auprès de plusieurs « dicastères » à Rome avec l’aumônier national de l’ACE, le père Hervé Perrot, pour y raconter ce que l’on vivait en ACE : conseil pontifical pour les laïcs, conseil pontifical pour le dialogue avec les autres religions ; c’est là que nous avons rencontré le cardinal Tauran, intéressé par la présence d’enfants d’autres religions dans les clubs, qui nous a donné de pertinents conseils.
L’ACE était tout autre chose que ce que j’avais connu enfant et retrouver ce mouvement qui a vécu et évolué, cela m’a réjoui. C’est une bonne chose que l’Action catholique des enfants se soit maintenue dans la fécondité d’un mouvement ancien, sans le trahir mais dans des circonstances tout à fait autres. Il y a quelque chose qui se vit aujourd’hui de l’inspiration du père Courtois sans en être une simple copie.
La vie paroissiale a beaucoup évolué. L’ACE reste un lieu de rencontre et d’éveil à l’initiative : je souhaite à beaucoup d’enfants d’en faire l’expérience. »