Mona Achache, réalisatrice du film Cœurs vaillants, répond aux questions de l’ACE

Mona Achache, photo de Petr Novak

Le film « Cœurs vaillants » sort le 11 mai. Un titre évocateur pour notre mouvement, puisque c’était le premier nom de l’Action Catholique des Enfants. Pour en savoir davantage sur cette réalisation qui met en scène plusieurs enfants, nous nous sommes entretenus avec Mona Achache, la réalisatrice de ce film.

D’où l’intrigue du film « Cœurs vaillants » vous est-elle venue ?

Mona Achache : « Ce film est inspiré d’une histoire vraie, celle de ma propre grand-mère Suzanne. Elle a été enfant cachée pendant la guerre, et je garde intact mon souvenir de petite fille qui l’écoutait raconter son périple. J’étais étrangement fascinée par sa capacité à déployer un récit qui mêlait d’un côté la douleur de la perte de ses proches, la terreur de la guerre, et de l’autre, son insouciance d’enfant, son sentiment d’aventure et de liberté précoce qui l’avait portée pendant son périple. Quant à Rose Valland, le personnage joué par Camille Cottin, elle est une véritable figure de la Résistance. A l’époque, elle était conservatrice du musée du Jeu de Paume situé à deux pas du Louvre, et a suivi de près les détournements des œuvres d’art par les Nazis. »

Coeurs vaillants le Film

Dès les premiers instants du film, nous comprenons que c’est le point de vue des enfants qui est retenu dans cette intrigue…

Mona Achache : « Vouloir regarder l’histoire à hauteur d’enfant nous fait courir le risque de présenter un récit historiquement incomplet. Mais les récits du parcours d’enfant caché de ma grand-mère ont été pour moi une porte d’entrée pleine d’humanité pour comprendre l’horreur infinie de la Shoah. Je voulais faire un film comme un marchepied pour les enfants, une première prise de contact avec une horreur dont ils auront mieux connaissance par la suite. J’aimerais que ce film soit un relais comme ma grand-mère l’a été pour moi, avant la brutalité plus factuelle, mais indispensable, des cours d’histoire. »

Pourquoi avoir choisi le titre « Cœurs vaillants » pour ce film ?

Mona Achache : « Malheureusement décédée en avril 2021, ma grand-mère n’aura pas vu ce film mais en aura suivi toute la genèse. Quand je lui ai demandé quelles étaient ses lectures en 1942, elle m’a répondu : « À Cœur Vaillant rien d’impossible ! » »

Avec le titre « Cœurs vaillants », vouliez-vous montrer la vaillance des personnes qui ont contribué à aider les enfants ?

Mona Achache : « A travers Rose, je voulais faire réfléchir aux notions de courage et d’engagement. De premier abord, notre Rose n’est pas spontanément une héroïne. Elle veut d’abord sauver des tableaux. Ce n’est qu’ensuite qu’elle va se retrouver à devoir aider ces enfants, par esprit de bon sens : « Comment accepter qu’Hitler traque ces enfants comme de véritables criminels ? » Puis il y a Pierre Schommer le responsable du dépôt de Chambord qui, malgré sa lâcheté initiale, va dépasser ses peurs et participer au secours des enfants. Beaucoup de vies humaines ont été sauvées grâce à des chaines de gestes modestes. Donner sa vie pour une cause, c’est le sommet du courage ! Mais tout le monde n’en a pas la force. Les personnages montrent que chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il est, tant que son humanité est orientée dans le bon sens. »

Au long de l’histoire, nous sommes portés par le beau de l’architecture exceptionnelle du château de Chambord, des œuvres d’art ainsi que de la faune et de la flore. N’y a t il pas un paradoxe entre cette beauté et l’horreur de cette guerre ?

Mona Achache : « J’avais envie de faire vivre le beau pour montrer comment la haine des hommes et la guerre le massacrent. Un des plus beaux châteaux de France, des animaux sauvages et une forêt splendide, des toiles de maître : tout cela a la réputation d’être beau et cela accentue le fossé avec les horreurs de l’époque. »

Coeurs vaillants le Film. Les Films du CAP

Les principaux protagonistes sont des enfants. Diriger de jeunes personnes demande-t-il une approche particulière lorsque l’on est réalisatrice ?

Mona Achache : «  J’ai d’abord passé une journée chez chacun d’eux pour apprendre à les connaitre, et vice-versa. Nous avons bénéficié d’un atout précieux : tourner dans la continuité du scénario. Les enfants ont pu avancer dans le tournage comme dans l’histoire. On vivait dans un petit camping à côté de Chambord, on se réunissait chaque soir pour évoquer ce qu’on avait tourné et préparer les scènes du lendemain. L’histoire de ce groupe a été ainsi construite avec eux, en m’inspirant quotidiennement de qui ils sont et de ce qu’ils vivaient hors caméra. Il m’a fallu mener ce groupe en me mêlant à eux, en me mettant à leur hauteur : chacun d’eux m’a beaucoup émue. Durant le tournage, je parlais beaucoup aux enfants. Si je voyais jaillir une émotion, il fallait réagir. C’étaient des moments de grâce et de complicité qui s’étaient noués entre nous. »

Etes-vous partante pour réaliser un nouveau film avec des enfants ?

Mona Achache : « Cœurs vaillants fut, de loin, la direction d’acteurs la plus heureuse. Dans mes films précédents, il y avait toujours un enfant qui jouait, comme Garance qui avait 11 ans à l’époque du film Le hérisson avec Josiane Balasko. Se mettre à hauteur d’enfant, c’est montrer la hauteur d’esprit. »

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