Dominique Mazin-Prieur : Des justes distances et du respect entre individus

Voilà l’été ! Les enfants se préparent pour les vacances qui donnent souvent lieu à des temps de proximité dans la durée. C’est l’occasion pour l’ACE de réfléchir à la bonne posture à adopter avec les enfants pour des liens de qualité qui les feront grandir ! Dominique Mazin-Prieur, psychologue pour enfants, nous parle de pudeur, d’intimité et de tendresse.

S’il y a bien un aspect positif à retirer de ce confinement, c’est le rétablissement de justes distances entre les individus : finies les papouilles incessantes ! Car en réalité, ça n’est jamais anodin de toucher au corps de l’autre. Au cœur du problème, il y a la pudeur. Si elle apparait chez l’enfant très tôt, dès la prise de conscience de la différence des sexes, chacun plaçant ensuite le curseur à différents niveaux, elle n’est pas toujours suffisamment respectée et prise en considération.

« Respecter toute forme, même exagérée, de pudeur »

Je pense à ces écoles où les toilettes ne sont pas séparées et où d’ailleurs certains refusent d’aller ! Et pourtant, la pudeur est un réflexe essentiel en ce qu’il est une manière naturelle pour l’enfant de poser des barrières, de se protéger. Un enfant dont la pudeur est respectée et cultivée à la maison sera plus apte à sentir lorsque les situations dérapent, à s’en protéger. C’est pourquoi, dans les séjours collectifs, il est essentiel de respecter toute forme, même exagérée, de pudeur relative à la toilette et aux besoins primaires au moins. Tout doit être mis en place pour que l’intimité des plus jeunes soit respectée : les lieux dédiés doivent pouvoir être fermés et individuels, au maximum, et ce respect de l’intimité doit être intégré à part entière aux règles de vie, même entre enfants. Les adultes eux aussi doivent bien-sûr être irréprochables, et ce en étant très clairs : on ne touche pas les enfants, on ne les chatouille pas, on ne les excite pas ! Ce mot d’« excitation » est d’ailleurs très explicite.

Que faire lorsqu’une petite alarme se déclenche à la vue d’une scène de jeu ou d’échanges entre un adulte et un enfant ? Il faut absolument en parler avec l’adulte concerné. Un animateur peut avoir des difficultés à trouver la « bonne distance » physique dans les moments de tendresse dont l’enfant a besoin. Un adulte qui ne comprendrait pas la nécessité de ces barrières et qui renouvellerait des comportements déplacés doit être exclu. Les animateurs, en particulier les plus jeunes, doivent impérativement être sensibilisés mais surtout formés à ces questions : on ne force l’enfant à rien au niveau du corps, dans l’intimité comme dans la vie quotidienne ou le jeu. On ne reste jamais seul avec un enfant, en particulier lorsqu’il est en demande, voire en manque, de proximité et de gestes tendres ce qui arrive parfois.

Parce que la tendresse peut se dire de mille autres manières

Une telle attitude n’exclut cependant pas une forme de tendresse. Les enfants, loin de leurs parents, éprouvent parfois le besoin d’être rassurés, consolés, pris dans les bras. Les adultes peuvent répondre à ces demandes mais jamais les anticiper ou les suggérer pour leur propre plaisir. Car c’est précisément là le point de vigilance à observer : l’adulte, quels que soient ses gestes et paroles a une attitude déplacée dès lors qu’il tire de sa proximité, même réduite, avec l’enfant un plaisir physique, charnel. Qui se voit généralement à l’œil nu pour qui est attentif. C’est justement parce que la tendresse envers les enfants peut être illimitée que des barrières sont indispensables et nécessitent des règles. Et si le chantier reste entier, il est heureux de constater que notre société, avec tous ses travers exhibitionnistes, a récemment pris conscience du problème des abus, ce qui est d’ores et déjà un grand pas pour progresser. Du reste, la tendresse peut se dire de mille autres manières. Avec des mots, une présence soutenue, un cadre protecteur ou par l’écoute lorsqu’elle est gratuite, sans jugement ni critique, tendre…

En fait, l’essentiel se joue à la maison, dans la famille où ces règles doivent être appliquées, un peu différemment mais dans le même esprit pour être bien vécues à l’extérieur. Les parents peuvent fournir à leurs enfants un cadre qui leur permettra d’apprendre à ressentir leur désir, ce qui les rendra capables de dire non, et surtout de respecter le désir de l’autre ! Car au fond, pourquoi les ados refusent-ils le baiser de leur mère devant le collège ? Précisément parce que grandir, c’est toujours couper le cordon, montrer qu’il n’y a plus ce lien physique, c’est-à-dire mettre une distance physique. À nous de la respecter !

Dominique Mazin Prieur psychologue

Psychologue et psychanalyste de formation, Dominique Mazin-Prieur a consacré toute sa carrière aux enfants.
Elle a exercé plusieurs années dans divers établissements spécialisés auprès d’enfants porteurs de handicaps, et 30 ans au sein du service pédiatrique d’un hôpital auprès d’enfants de tous âges : du prématuré au jeune de 18 ans.
Actuellement à la retraite, elle continue cependant à accompagner des enfants et des familles dans son cabinet de Veneux-les-Sablons.

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