Michel Damade est pédopsychiatre retraité mais néanmoins actif. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que son activité ne faiblit pas avec la crise sanitaire ! Lui aussi a dû revoir la forme que prenait son accompagnement des enfants et adolescents qu’il reçoit habituellement à son cabinet. Il en profite pour nous parler du juste rapport à entretenir avec les écrans par temps de confinement.
C’est une période particulièrement difficile pour les plus fragiles, qui peuvent être sujets à toutes sortes de difficultés : crises d’angoisse, dysfonctionnements alimentaires, troubles du comportement accentués… Alors pour continuer à assurer un minimum de suivi auprès des enfants et de leurs familles, j’utilise d’autres moyens d’échanges : le mail, le téléphone, les textos, etc. Et dans les cas exceptionnels d’urgence absolue, la rencontre réelle s’impose car tout ne peut pas se régler par téléphone. De ce point de vue, je continue malgré tout à le dire : vive les écrans ! Ils sont salutaires et très utiles en ces temps de confinement… pour peu qu’on en fasse bon usage !
D’abord il y a bien-sûr l’usage scolaire, rendu possible par le travail remarquable des enseignants qui ont fait preuve de beaucoup de créativité et d’intelligence pour mettre en œuvre une pédagogie renouvelée et active. Les écrans ouvrent tout un horizon de possibilités nouvelles pour les enfants.
Il y ensuite l’usage récréatif, qui ne doit pas être éliminé pour autant, mais doit être tout à fait distinct de l’usage scolaire, calibré selon l’âge de l’utilisateur, cadré et limité dans le temps. Il appartient aux parents de jouer ce rôle de modérateurs, mais aussi de savoir, quand cela est possible, souligner justement la palette des usages intéressants que l’enfant a fait des écrans dans sa journée, de se réjouir avec lui de tout ce qu’il en a tiré en ayant accepté les bonnes règles d’usage, même si cela lui a demandé un effort. Car ce sont précisément ces bonnes règles d’usage qui permettront également de prévenir les risques non négligeables de débordements ou de fréquentation de sites inappropriés.
Enfin, l’usage social prend aujourd’hui toute son importance. Tous les outils de communication, tchat, vidéoconférence sont autant de moyens de rester connectés avec la famille et les copains, des liens essentiels pour les petits comme les grands. Ces trois usages des écrans doivent être positivés mais articulés de manière à éviter le zapping de l’un à l’autre.
Les écrans ne seront alors pas un frein au reste des activités familiales collectives de loisirs ou d’entretien de la maison : jeux de société, grand ménage, etc. ! Parce que le plus dur reste l’isolement, comme on le constate chez les personnes les plus fragiles psychiquement chez qui cette période hors normes pourrait laisser des traces néfastes quand le confinement sera levé. Quant aux enfants en sérieuses difficultés du fait du confinement, impossible de conseiller en quelques phrases les parents car chaque situation est unique : les attitudes à adopter avec des enfants souffrant de troubles autistiques seront complètement différentes de celles à adopter avec un enfant angoissé, dépressif ou même hyperactif. Le seul point commun entre tous est le caractère anxiogène de cette période. Et la seule réponse possible de l’adulte, c’est avant tout de rassurer l’enfant en disant que l’on voit et que l’on comprend que c’est difficile pour lui. Tout le monde est à l’épreuve mais la sienne est ressentie plus durement encore. Quand les difficultés semblent trop lourdes à porter avec des enfants dont le suivi psy aurait été interrompu par le confinement, les parents ne doivent pas oublier qu’ils peuvent bien souvent toujours compter sur les professionnels qui restent joignables et disponibles.
C’est le moment de se serrer les coudes afin de traverser ensemble cette période au mieux !