Pédocriminalité : Marie Derain, « il est indispensable aujourd’hui d’avoir une démarche active »

Marie Derain - pédocriminalité et droits de l'enfant

Marie Derain de Vaucresson travaille aujourd’hui à l’Inspection générale de la justice, elle est membre du Haut conseil de la famille de l’enfance et de l’âge et vice-présidente de la Fondation pour l’enfance. Elle a été secrétaire générale du Conseil national de la protection de l’enfance et Défenseure des enfants. À l’approche du 20 novembre, date anniversaire de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE), elle nous livre son regard sur l’application des droits de l’enfant en France, un sujet qui tient particulièrement à cœur à l’ACE.

Pensez-vous que les enfants connaissent leurs droits en France, notamment par rapport aux autres pays européens ?

CIDE - Convention internationale des droits de l'enfant - logo des 30 ans en 2019

C’est une mesure qui n’est pas faite. C’est dommage, il pourrait exister un baromètre, mis à jour tous les 5 ans par exemple… Je ne suis pas sûre que les autres pays d’Europe le mesurent davantage. Pour autant, il y a des sondages ou des enquêtes de temps en temps en France ou encore des éléments d’analyse telle que la démarche de consultation de la Défenseure des enfants pour les 30 ans de la CIDE en 2O19. Menée auprès de 2 200 jeunes, celle-ci a notamment révélé que 7 enfants interrogés sur 10 ne connaissaient pas leurs droits et ne s’étaient jamais exprimés.

Je me souviens d’un sondage Sofres –TNS par l’Unicef-France en 2009 précisément sur la connaissance de la Convention et j’étais affligée du résultat : seul 1 jeune sur 4 âgé de 13 à 18 ans avait entendu parler de la Convention des droits de l’enfant !

Est-ce que les adultes connaissent mieux les droits de l’enfant en France ?

Je crois que l’information est encore moins connue de manière fiable et scientifique pour les adultes. Ce que j’ai observé, c’est que la Convention est peu connue, y compris pour ceux qui travaillent avec les enfants. La plupart savent dire qu’elle existe, qu’ils en ont entendu parler, mais ils sont bien peu nombreux à pouvoir expliquer ce qu’elle implique et comment elle est un ressort à leur action comme professionnel.

Pour ma part, je considère qu’elle est une très bonne grille de lecture pour répondre à la question : est-ce que ce que je décide, organise, fais est dans l’intérêt de l’enfant ou des enfants quand il s’agit d’un collectif ? Rappelons-nous que la Convention a été élaborée par étapes et à partir des connaissances en psychologie, médecine, pédagogie, etc. qui se sont développées tout au long du XXe siècle. À partir de l’identification des étapes de développement des enfants et de leurs besoins, des droits ont été formalisés. Ces droits ont pour finalité de garantir que les besoins des enfants sont pris en compte, c’est en cela que les droits satisfont l’intérêt de l’enfant.

L’ACE a récemment publié pour son réseau un dossier « Pédocriminalité ». Marie Derain, quelle définition donneriez-vous de la pédocriminalité ?

C’est un terme qui vient de la sociologie et qui peu à peu remplace l’expression de pédophilie. Pour moi, c’est une bonne chose. Le pédophile est celui qui aime les enfants, or ce sont des personnes qui font du mal aux enfants, qui commettent des crimes – au sens d’infractions – contre les enfants. La pédocriminalité, ce sont les infractions commises contre des enfants, spécifiquement des infractions de nature sexuelle.

En tant que Fédération nationale d’associations départementales d’éducation populaire, comment lutter contre la pédocriminalité et la maltraitance ?

Il est indispensable aujourd’hui d’avoir une démarche active. Ce serait très long d’expliquer ici un plan d’action, mais c’est bien ce dont il est question et à plusieurs niveaux. Pour moi, il s’agit d’aller de la vérification du casier judiciaire des adultes en relation avec les enfants à un mode opératoire qui permettrait de réagir à des confidences d’enfants victimes, en passant par des informations/formations sur les besoins et les droits des enfants, sur les attitudes respectueuses des enfants à adopter et aussi les conséquences des violences sexuelles pour les enfants.

Comment sensibiliser et former les adultes / accompagnateurs / parents sur les questions de pédocriminalité ?

Organiser des moments de sensibilisation. Il y a de plus en plus de films (tels que « Les chatouilles » ou « Grâce à dieu ») et documentaires qui peuvent être d’excellents supports à des échanges. Des professionnels de l’enfance peuvent aussi intervenir pour décrypter, expliquer.

Les droits de l’enfant sont intéressants à utiliser en ce qu’ils invitent au respect des enfants et à leur autonomie. Et qui dit respect des enfants pour moi dit prendre en compte leur parole, favoriser leur expression, c’est-à-dire les encourager à exprimer leur avis, leur point de vue, leur consentement. C’est une notion essentielle. Un adulte quel qu’il soit n’a pas tous les droits et ne peut pas faire de moi tout ce qu’il veut.

Que peut-on attendre de la nouvelle Défenseure des droits en la matière ?

Claire Hedon, avec son adjoint ou adjointe Défenseur(e) des enfants – dont on attend encore la nomination – pourraient développer un MOOC (formation en ligne) sur le sujet. Ou Inciter les associations autour de l’enfance et les mouvements d’éducation à s’organiser pour en créer un et partager leurs actions, leurs réflexions. Elle pourrait aussi créer des outils à destination des enfants, ou /et recenser ceux qui existent pour les rendre plus facilement accessibles : livres, vidéo, livrets, films, documentations…

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