Vécu intérieur

Extraits de l’intervention de Dominique Mazin-Prieur, psychologue clinicienne et psychothérapeute lors de la rencontre nationale de l’ACE du 1er décembre 2018.

Dominique Mazin-Prieur, psychologue clinicienne et psychothérapeuthe.

Une expérience

La spiritualité, c’est avant tout une expérience, un vécu intérieur. L’enfant s’ouvre et veut tout découvrir, il est curieux. Tout est nouveau, tout le surprend. Comme il manque de connaissances, le mystère est une réalité profonde, amicale, qui l’accompagne, il s’étonne et admire.

Beaucoup d’expériences quotidiennes dans la vie de l’enfant se prêtent à un vécu spirituel : observons un enfant devant un nuage, un caillou ou une fourmi ; il s’émerveille tout le temps et intériorise toutes ses découvertes, souvent dans des moments que nous qualifions de « rêveries ». Tout le monde connaît ces moments d’émerveillement où l’esprit s’élève vers un domaine sans mots. C’est ainsi que se développe la spiritualité. Plus l’enfant va grandir, plus cette spiritualité va être visible.

Au départ l’enfant n’a pas besoin d’explications. Il a besoin de vécus, de ressentis.  L’enfant vivant dans un monde rural a une ouverture un peu différente sur le monde. Par la nature il a conscience de la transcendance, de sa petitesse et de son impuissance face aux éléments.  L’enfant plus urbain est moins confronté à cette réalité. Par les jeux, notamment les jeux virtuels, il est dans la toute-puissance, il est le maître du monde. 

Les clubs sont l’occasion de le mettre dans la réalité, de lui apprendre à tenir compte des autres, etc. 


L’imaginaire comme intériorité

La vie de l’esprit se nourrit d’imaginaire. C’est par l’imaginaire que l’enfant exprime son vécu, ses émotions et ses questions. Il s’invente des réponses. Tous les temps dits « d’expression » sont à maintenir, à respecter. Ne pas croire que l’enfant a tout le temps besoin d’activité, de mouvement, de bruit. Au contraire !

Les temps d’ennui sont des temps spirituels. On peut leur dire qu’on range sa tête et qu’on calme son cœur.

L’enfant s’exprime par la créativité artistique, ludique ou comportementale. C’est sacré, pas question d’interpréter ni de commenter. Accueillir, rien d’autre. Inutile de valoriser, c’est déjà émettre un jugement. On n’est pas dans un souci d’enseignement. Si on trouve la création de l’enfant « jolie », on risque qu’il refasse la même chose pour nous faire plaisir, et plus du tout pour s’exprimer. Le message que l’adulte envoie : ta création est précieuse. Le silence peut tout à fait être une attitude d’accompagnement.

De même, dans les jeux, l’enfant crée, s’exprime et nourrit son imaginaire. Mais attention, l’aider, c’est le priver de recherche, d’effort, de créativité. Et surtout, c’est le priver de victoire. Le laisser gagner est une erreur, c’est lui faire croire que la réalité s’adapte à lui. Bien sûr il faut lui proposer des jeux à sa portée, qu’il puisse réussir avec un peu d’effort.

La recherche de sens

À partir de 6 ans, l’enfant entre dans une recherche de sens. Besoin de comprendre comment ça marche. Tous ses jeux expriment ce besoin de donner un sens à tous ces mystères qu’il admirait avant. On pourrait dire que l’enfant petit est spirituel, à 6 ans il devient intellectuel. Surtout parce que notre monde l’y pousse. Petit à petit, ses réponses, nourries d’imaginaire, vont se rapprocher de la réalité, selon son vécu.

Répondre à tout lui laisse croire qu’il y a une réponse à tout. Or précisément dans le domaine de l’esprit, il n’y a pas réponse à tout, le mystère de la vie demeure. Il découvre que l’adulte n’est pas tout-puissant. L’enfant a alors besoin de savoir que l’adulte en est au même point et que les adultes cherchent aussi. L’adulte ne sait pas tout, il ne peut que témoigner. Les religions que l’adulte se donne sont une réponse. (La foi en l’Homme en est une.) Accueillir ses questions. Ne pas répondre, lui demander sa propre réponse.

« La religion elle-même n’est pas quelque chose qui doit être donné à l’enfant ; ce n’est pas quelque chose qui doit être enseigné. »

Maria Montessori.

Les commentaires sont clos.


  • Les partenaires de l'ACE