Le premier droit de l’enfant, c’est de jouer


Jean-Marie Petitclerc

Jean Marie Petitclerc

Jean-Marie Petitclerc, diplômé de l’École Polytechnique, salésien de Don Bosco, est titulaire du diplôme d’éducateur spécialisé et d’une maîtrise de sciences de l’éducation. Directeur de l’association Le Valdocco, il a été, de juin 2007 à février 2009, membre du cabinet du ministre du Logement et de la Ville.

Il est l’auteur de nombreux livres dont Éduquer aujourd’hui pour demain (2010), Lettre ouverte à ceux qui veulent changer l’école (2007), Respecter l’enfant, réflexion sur les droits de l’enfant (1989).


On parle beaucoup aujourd’hui des droits de l’enfant, et c’est heureux. Mais le risque, c’est de considérer l’enfant comme un adulte en miniature, et d’opérer une déclinaison en réduction des droits de l’homme. Alors que le premier droit de l’enfant, c’est celui de rêver, de jouer

S’il est un pédagogue qui l’a parfaitement compris, c’est bien Don Bosco qui, loin de considérer le jeu sous l’angle de la seule détente, savait en souligner la portée éducative. La réflexion de Jean-Marie Petitclerc s’inspire de son héritage.

Le jeu, un élan créateur

Combien d’enfants à qui l’on n’a pas permis de jouer durant leur enfance restent marqués pour la vie ! Ces jeunes, à qui finalement l’on a en quelque sorte volé l’enfance, éprouvent des difficultés, à l’âge adulte, de s’adapter au monde mouvant qui est nôtre aujourd’hui.

Le jeu constitue une détente nécessaire. Pour l’enfant, il répond au besoin vital de décharger la tension. Jouer, c’est se refaire, c’est récupérer, c’est se recréer. Le jeu n’est en effet pas seulement détente, il est récréation, au sens propre de ce terme. Mettant en branle l’imaginaire, il peut se définir comme un élan créateur.

L’imaginaire, en effet, pousse les enfants à entreprendre. Un simple thème d’activité, sans rêve, qui n’ébranle guère leur imagination, ne peut les enthousiasmer. L’intérêt reste faible, et risque de tomber bien vite. Par contre, en s’identifiant à un personnage, l’enfant se donne implicitement un but : il veut acquérir les compétences, les qualités, l’énergie de celui qu’il a choisi pour modèle.

Le jeu, un facteur de socialisation

Pour que le jeu en groupe soit possible, il faut constituer des équipes, des camps. En leur sein, il va s’agir de tirer parti des qualités de chacun, en se répartissant les rôles. Si les équipes ne sont pas bien définies, et les tâches mal réparties, le jeu risque de sombrer dans la confusion. Et celui qui n’a pas de rôle précis posera rapidement problème dans le bon déroulement du jeu.

Ainsi, en s’associant à d’autres, au sein d’un groupe restreint, l’enfant va effectuer l’apprentissage des relations sociales, de la coopération. S’il a un rôle précis à jouer, une responsabilité à assumer, il aura alors l’occasion d’acquérir des compétences nouvelles.

Un autre facteur important consiste en l’apprentissage du respect de la règle. Si le groupe ne s’est pas mis d’accord sur la façon de se comporter ensemble, le jeu va dégénérer et le groupe risque d’éclater. En ce sens, le jeu constitue un grand facteur de socialisation. Il fait découvrir que le respect de la règle permet que dure le plaisir de jouer ensemble.

Trop souvent la loi est vécue par l’enfant comme ce qui l’empêche de vivre (et il peut alors connaître la tentation de la transgression). Il nous faut lui faire découvrir qu’elle est, au contraire, ce qui permet le plaisir du vivre ensemble, en prenant en compte la différence de chacun. En effet, organiser une partie de foot, par exemple, sans règle et sans arbitre garant de la règle : le jeu dégénère vite en violence. Faites respecter la règle en imposant le respect de l’arbitre : le plaisir de jouer pourra durer deux fois quarante-cinq minutes !

Le jeu, un outil de croissance

Ce qui est important dans le jeu, c’est qu’il saisit l’enfant sur tous les plans : physiologique, psychologique, social et moral.

Pour mieux en comprendre la nature, une comparaison me semble riche de sens, celle de la mécanique… Lorsque l’on emploie l’expression : « Cette pièce a du jeu », il s’agit d’un espace ménagé pour le mouvement aisé d’un objet (jeu entre le piston et le cylindre, par exemple).

Le jeu ne constitue-t-il pas finalement cette marge de liberté qui existe dans le cadre de vie et qui permet une exploration des dynamismes de la personne ?
Tout enfant porte en lui des « dynamismes » propres : des forces, des aspirations qui le poussent à être plus, à grandir. Chaque fois qu’il se dépasse, il découvre le bonheur.

Mais, d’autre part, l’enfant vit dans un certain cadre de vie, dont il ne peut faire abstraction.

Il existe toujours, d’une façon ou d’une autre, confrontation entre les dynamismes de la personne et les réalités de son propre cadre de vie. C’est dans cette confrontation que l’homme se développe. Pour grandir, l’enfant a besoin, à la fois d’exprimer les dynamismes qu’il porte en lui (lutter, construire, etc.) et de découvrir la réalité qui l’entoure, d’en explorer les possibilités ou les freins.

C’est de là que naît le jeu, véritable espace d’expériences, permettant une exploration des situations diverses.

Le jeu, un outil éducatif

Chez l’enfant, le jeu est un moyen spontané d’exploration de soi-même, des autres, du monde : il constitue donc un important moyen de développement, puisqu’il développe sa faculté d’adaptabilité, qui, aujourd’hui, est de toute première importance.

Combien ai-je pu me rendre compte, dans ma pratique d’éducateur spécialisé auprès d’enfants en grande difficulté, que des moments de jeu partagés permettent de débloquer des situations et de sortir d’impasses relationnelles !

Le jeu constitue un véritable outil éducatif.


Saint Jean Bosco ou Don Bosco (1815-1888) est un prêtre italien qui a voué sa vie à l’éducation des jeunes enfants issus de milieux défavorisés. En 1854, il fonde la Société de Saint François de Sales, connue sous le nom de Congrégation des salésiens de Don Bosco. C’est le saint patron des imprimeurs, des apprentis et des prestidigitateurs.

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