Amitié et Famille… Regard d’un sociologue

Le modèle familial traditionnel, organisé autour des parents et des enfants unis pour la vie dans le même foyer, s’est considérablement transformé depuis les années 1980-1990 : apparition du divorce, principalement à l’initiative des femmes, et de l’union libre ; développement du nombre de familles monoparentales et de familles recomposées ; Loi sur le mariage pour tous en 2013 et existence de familles homoparentales. Ces mutations sociétales de la famille sont aujourd’hui bien identifiées par les sociologues, et même par tous les citoyens car elles s’observent facilement dans la vie quotidienne.


En réponse à la question « l’amitié, c’est qui, c’est quoi pour toi ? », beaucoup d’enfants et d’adolescents de l’ACE répondent pourtant symboliquement « c’est la famille !» ou « ça se passe dans la famille ! ».
« L’amitié, même avec les parents, c’est sacré », écrit ainsi un enfant et leurs dessins nous montrent des maisons, des mamans et/ou des papas, des frères et sœurs, des copains à la maison, quand leurs textes et recettes de cuisine nous parlent du sentiment d’amour, de joie des retrouvailles, de jeux avec les parents mais aussi de tendresse, de bonheur, de confiance, de gentillesse, de solidarité, de conseil et de soutien.

Ils nous dévoilent ainsi une mutation familiale qui se voit moins mais qui n’est pas moins importante car elle renvoie à la nature des relations sociales à l’intérieur de l’espace familial entre les parents et leurs enfants.

Amitié et famille

La famille n’est plus une institution ferme, au sein de laquelle l’autorité parentale se traduisait facilement par de la violence physique et symbolique, comme par exemple la fessée et l’interdiction de parler à table pour des générations d’enfants. Les parents n’attendent plus uniquement de leurs enfants de l’obéissance et du respect. La famille est devenue un espace relationnel, au sein duquel les adultes souhaitent de plus en plus rendre leurs enfants autonomes en les éduquant à la responsabilité individuelle et collective. Les enfants disposent aujourd’hui de droits et l’autorité parentale se construit plus dans les échanges interpersonnels qu’elle ne se décrète « naturellement » ! La famille s’est « décontractée » et transformée en un véritable lieu d’interaction entre les parents et les enfants, de plus en plus souvent avec la présence et la complicité des grands-parents. Elle accueille volontiers les amitiés de l’enfance et plus tard les premiers amours de l’adolescence.      

La famille tente finalement aujourd’hui, plutôt bien que mal, d’assumer une éducation des enfants et des adolescents à partir de trois objectifs parfois difficiles à articuler : réguler les relations intra-familiales par des règles les moins arbitraires possibles, car il n’y a pas d’éducation sans règles ; accompagner la trajectoire scolaire car la place et l’emprise de l’école sont devenues majeures sur la fabrication des destins individuels ; accompagner le processus de construction de la personnalité et d’autonomisation des enfants et des adolescents, qui un jour se détacheront physiquement de leurs familles sans réellement les quitter symboliquement.

Pour les enfants de l’ACE, la famille constitue un véritable espace relationnel de construction de la citoyenneté !

Jean-Philippe Guillemet est enseignant en Sciences Humaines et Sociales (SHS) à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux (ENSAPB) depuis 1995.
Il est également sociologue consultant et formateur professionnel depuis 1996 et travaille sur cinq champs d’intervention. Depuis 2009, il est responsable pédagogique du Collectif Les Ados et Nous qui traite des questions de l’enfance, de l’adolescence et de l’accompagnement des enfants et des adolescents par les adultes et les familles. Il a aussi co-fondé L’Atelier Laïcité en septembre 2014 – www.atelier-laicite.fr – et intervient sur les thèmes de la citoyenneté, la laïcité et la radicalisation. Depuis plus longtemps, il accompagne en outre des acteurs et des équipes sur la prévention et la régulation des incivilités et violences au quotidien, en particulier en milieu scolaire et périscolaire.
Il intervient ainsi régulièrement sur les questions fondamentales du harcèlement, du racisme et du sexisme. Il évalue enfin les politiques publiques mises en place par les Etats face à la prostitution et anime des dispositifs de participation citoyenne dans des projets urbains.

Cet article est extrait du Livre 2 Amitié édité par l’ACE

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